Salon n°1 (les présentations)

J'espère que c'est important ! J'allait faire une représentation à Versaille quand un messager m'a apporté une lettre me disant d'urgence de venir ici. Heureusement que je ne devais jouer que devant une partie de la cour et non devant le roi ! Je n'annule mes représentations qu'en cas d'urgence ! C'est d'ailleur ce que disais la lettre : une urgence !
Quel belle pièce ! Des canapés, des divans, des fauteuils, le tout manufacturé et brillant ! Cette pièce est surement faite pour recevoir et discuter : elle ressemble étrangement au salon de la Marquise chez qui je vais chaque samedi pour discuter avec les autres notables de Versaille (ah ! ce Rousseau, quel petit rigolo !).

[HJ : Rousseau n'est pas vraiment de la même époque que Molière mais bon ^^, et Molière ne s'est jamais rendu à Versailles, il est mort avant)]

Je pénétre d'un pas assuré dans le salon où l'on m'attends. La pièce est très propre et soignée. Je m'apprête à m'asseoir dans l'un des fauteuils quand je remarque un homme debout visiblement étonné. Je le reconnais immédiatement. Monsieur Molière ! Le maître de la Comédie-Française, favori du roi Louis XIV. Je m'incline soigneusement et attendis qu'il fasse de même par respect pour mon rang.

- Que faites-vous ici, Monsieur Molière ? je demande.

Cela me fait penser à la lettre que j'ai reçu ce matin, me demandant de me rendre en cet endroit. J'avais d'abord été furieuse, j'allais rater l'invitation de ma meilleure amie, Madame de la Fayette et la pièce qui'avait prévu le roi. Mais la curiosité m'avait rongée et je m'étais finalement rendue ici. Ma curiosité ne s'arrêta pas lorsque je vis cet homme. Au contraire...

Le mystère de l'urgence m'a toujours attirée. En recevant cet e-mail m'indiquant de venir d'URGENCE en ce lieu, j'ai d'abord cru à un rendez-vous professionel. Etrangement, ma maison d'édition m'informe qu'elle n'a rien à voir là-dedans (j'ai du mal à le croire).
C'est avec une curiosité à son apogée que je me suis finalement rendue dans cet endroit.
Et quelle surprise !
Je me retrouve devant une bande d'illuminés déguisés dans une salle digne du chateau de Versailles.
C'est une blague ?
Où est la caméra ?

Mais qui sont ces femmes habillées d'une telle façon ! La première semble d'assez bonne famille, mais la seconde ! Même lors de ma dernière tournée en province, je n'en ai jamais vu de pareilles ! On dirait qu'elle sort d'un autre monde !

_ Bonjour, mesdames ! Appellez moi Jean-Baptiste, nous sommes entre nous !

Mon dieu, ai-je juste le temps de penser en voyant arriver une femme derrière moi. Elle est habillée... Un homme, oui en homme sortant d'un époque inconnu, d'une partie du monde inconnu...
Un homme..., non. Elle est maquillée outrageusement, son teint n'est pas d'un blanc parfait et ses chevux sont longs.

Quant à monsieur Molière, il semble avoir perdu la tête. Il ne me reconnaît point.

- Monsieur Jean-Baptiste, insistai-je, je suis Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné. J'étais au côté de Sa Majesté Marie-Thérèse et de la Princesse de Conti lors de votre dernière représentation, ne vous souvenez-vous point ?

Mon dieu (et pourtant je ne suis pas trop religieuse en tant normal). Où suis-je tombée ? Chez les fous ? La femme aux cheveux noirs habillée-en-homme-mais-qui-n'en-ait-pas-un-parce-qu'elle-se-maquille semble stupéfaite.
Un instant, je regrette d'être venue...

_Oh ! Marquise ! L'émotion à la vue de ce monstre derrière vous m'a fais un telle choc !
Mais qui êtes vous, étrange créature ? Un homme ? une femme ? D'où venez vous ?

Une... marquise ? Et monsieur Jean-Baptiste...
C'est une blague, j'en suis certaine. Autant me prendre au jeu.

- JB ! Mais tu ne me reconnais pas ?! C'est moi, Amélie ! Dit donc, cet accoutrement te grossit. Et quelle perruque hideuse ! Et arrête de draguer cette pauvre marquise.

Je scrute leur réaction. J'espère qu'ils vont éclater de rire et avouer que leur farce est loupée... j'espère...

Le pauvre monsieur Molière me reconnaît enfin. Il prétend que la vue du monstre lui a ôté tout moyen de parole honnête. La jeune femme qui a eu l'audace de s'habiller en homme se met à parler d'une voix précipitée. Ses paroles vulgaires semblent sorties d'un autre monde. Je crois bien que si j'avais tenu une tasse de thé (ou de ce "café" que l'on a ramené d'Amérique), je l'aurais fait tombée. Choquée, je porte ma main recouverte de bijoux à ma gorge comme si je m'étouffais. Je vois le comédien me regarder avec intérêt. Pourquoi ai-je donc décidé de mettre des diamants ? Mon mari m'avait bien fait promettre de ne les porter que pour les bals de Versailles, point pour mes promenades. Pourquoi ne l'ai-je pas écouté ? Je crains un instant qu'ils ne me sautent dessus pour me voler mes bracelets, colliers et bagues de famille. Je me reprends de justesse. Monsieur Molière est un gentilhomme.
- Pardieu, me mis-je à jurer d'une voix rauque, madame... euh.. mademoiselle, que dites-vous ? Draguer ? Qui signifie "draguer" ? Vous insultez monsieur Jean-Baptiste et mon rang. La perruque de monsieur Molière est tout à fait à la mode à la Cour, c'est vous qui semblez dépassée, mon enfant. Et enfin veuillez m'appeler madame la Marquise par respect, je vous prie.